Atlas des rivières
de Bretagne Le Lapic
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Texte

Anna
Lapic

Anna

 

Le Lapic

La rivière

Rudu en breton

Cette eau du lavoir vers la rivière

Au milieu de la prairie une source qui arrosait pas mal

La fontaine quand il n’y avait plus d’eau

L’été on inondait les prairies la plupart du temps

 

On avait connu des années sècheresse en 21

On avait fait creuser pour avoir de l’eau

Et en 49 de même

 

Quand il y avait beaucoup de pluie

La rivière s’étendait vers la prairie

On n’allait pas beaucoup vers la rivière

Elle ne nous attirait pas vraiment

On descendait à la rivière quand on allait à l’autre ferme

On avait abattu un arbre pour la traverser

 

Quand mes frères allaient à la prairie

Ils avaient les pieds les chaussettes trop mouillés

Presqu’une punition de se faire mouiller les pieds

 

Il n’y avait pas d’entretien particulier de la rivière

Les bêtes allaient boire

L’eau

La source

 

Maintenant on fait attention de ne pas trop dépenser d’eau

Moi je récupère l’eau pour arroser les fleurs

Le cours d’eau assez important

J’ai vu la rivière assez bas mais pas à sec

Avant on ne buvait pas beaucoup d’eau on buvait du cidre

 

On buvait un peu d’eau et du lait

Et aujourd’hui

Je bois toujours de l’eau

Sauf quand je suis invitée

je bois du vin un peu

je n’abuse jamais

 

Avant la prairie avait une importance pour faire le foin

Toutes les terres datent des grands-pères et des grands-mères

L’herbe le tactile une herbe assez dure

Ça bourrait alors on reculait

Et maman tenait les chevaux qui conduisaient la machine

Et papa avec la faucheuse

On avait acheté un moulin à moteur pour faire la farine

Et l’eau n’avait plus son importance

Le Lapic coulait

 

Naissance                               

Je suis née à la ferme en 1920

À Kerdan

 

Mes parents étaient propriétaires

Ils avaient fait construire au bord de la rivière pour des employés

Ma grand-mère avait eu 13 enfants

10 restés en vie

Elle s’était mariée très jeune

Son mari était plus âgé

Mes grands-parents ma tante qui était célibataire vivaient là aussi

Elle s’occupait des animaux

Trois frères et une sœur de mes parents qui restaient jusqu’à leur mariage

J’ai connu la pension

Après l’abbé Thomas est venu s’installer à Plonévez et j’ai été à l’école privée

Pas question d’aller à l’école publique

Ici c’est très catholique

Du monde à payer

Et nous apportions aux demi-pensionnaires des œufs et des crêpes

 

La production

On faisait de l’herbe et du foin

Du blé du blé noir de l’orge

Choux et betterave

Des vaches

On en avait 28

Quelques porcs

Des chevaux 5

32 hectares

 

Le maïs est venu plus tard

On donnait le chou la betterave le maïs aux vaches

On vendait du beurre

Lesvren à côté ils achetaient le beurre

Après la guerre on a fait la crème

La grande ferme de Lesvren venait la chercher

 

 

Pendant la Seconde Guerre

On a eu des Allemands dans la ferme

On avait préparé les fiançailles d’une cousine et quand on est rentrés

On est tombés sur ces hommes

Ça nous faisait drôle tous ces hommes dans la cour

Et le commandant habitait chez nous

Ils avaient requestionné la cuisine aussi

Les soldats logeaient au-dessus de la grange

Il avait pris la moitié de la maison

Pour se déplacer il allait à cheval

Et prenait notre foin pour donner aux chevaux

Mais on ne cherchait pas à les provoquer

Avant la vie était plus calme malgré l’occupation

 

On a été bouleversé par la guerre

Quand on a eu les Allemands chez soi on y pense toujours

Nous n’avions pas autant d’information qu’aujourd’hui

Pas autant

Mon père a été blessé à la guerre 14 18

Alors qu’un frère tué au début de la guerre

Ma tante son mari a été tué à la guerre 39 45

La guerre je n’en souhaite plus

Elle est le malheur des hommes

 

Reprendre le métier

Mes frères étaient partis dans d’autres fermes

Seul un resté

Et moi je voulais reprendre

J’étais habituée à ça à ce métier

Qu’aurais-je pu faire autrement

Les femmes n’avaient pas d’autres métiers non plus

Les femmes restaient à la ferme

une nièce Isabelle a dit si je fais ce métier c’est pour aider mon mari

J’ai pris la suite de mes parents en 60

 

L’évolution

Pierre mon mari est arrivé en 60

On était heureux

On s’arrangeait bien tous

 

J’ai vu l’évolution

La lieuse

Le tracteur après-guerre

Mes parents qui étaient un peu à la pointe

Avaient une installation d’éclairage avec un manchon au gaz

Et j’ai trouvé les factures il n’y a pas longtemps

J’ai dû les jeter

Le gaz venait de Lebon à Quimper

Après on avait l’électricité avec les accus

On baratait le beurre

On écrémait le lait

 

Le remembrement

Nous en 62

Chez nous la terre est restée la même

Sauf les talus qu’on a dû raser

Je me rappelle d’un orage

On avait arraché les pommes de terre

Toute la terre était venue sur la route

 

Le remembrement nous a emmenés à défaire ce que nous aimions

Ils ont fait des bêtises d’enlever des talus et autres

Aujourd’hui ils savent la vérité

Mais pour nous c’était naturel

C’était comme ça

On disait on faisait

Avons-nous assez réfléchi

 

Le remembrement les gens ne réfléchissaient pas

Du temps de mon mari certains venaient lui demandaient des conseils

Pierre connaissait tout il était curieux

Il avait des compétences

Le remembrement fut une bêtise

Maintenant on replante

 

On vendait le blé les pommes de terre de consommation qui se vendaient très bien

On n’allait pas beaucoup vers Châteaulin plus vers Douarnenez ou Quimper

Je vivais ma vie

Les fermes étaient habitées

 

La modernité

La machine à traire était venue avant l’électricité avec un petit moteur

Mais la plus grande chose ce fut quand la clôture électrique arriva

Pierre disait que c’était l’un des plus grands progrès

Elle empêchait des vaches de partir et nous laissait plus de temps

pot saout  en breton

le garçon qui gardait les vaches disparaissait

Et puis la télé est arrivée en 69

Pierre voulait la télé pour la messe de Noël qui était retransmise de Pleyben

 

Jusqu’à aujourd’hui

Mon mari est décédé en 84

J’ai arrêté en 85

Avant personne ne disait rien pour les retraites à 64 ans

Mon mari avait 64 ans

 

Quand j’ai quitté je suis partie chez un neveu à Cast mon frère avait eu un accident

Et je vis le Week-end ici à Plonévez

Ma belle-sœur est décédée en 94

 

Aujourd’hui à 104 ans

100 ans on ne se rend pas trop compte

Tant qu’on est bien

J’ai une cousine qui va avoir 103 ans au mois d’octobre

Sa sœur 102 et son frère est décédé un mois après ses 100 ans

 

Le docteur dit je remarque qui a travaillé à la campagne

Les gens se dépensent

Mais je regarde un peu les actualités

Comme il y a plus de publicité que d’informations

Alors j’éteins

Je préfère lire les journaux

J’aime choisir ce que je lis

 

Les journaux j’en reçois deux par jour

Le Ouest France et la Croix

Et un à Cast

Le Télégramme

 

Je fais toujours du potager du jardinage et de la cuisine

J’ai beau changé de jardinier je n’arrive pas à leur faire faire ce que je veux alors je fais

Quand je rentre je dis j’ai fini ma journée

 

L’eau est là

Je suis là

C’est normal

C’est comme ça

J’ai choisi un chemin

J’ai fait le même métier que mes parents

La paix dans mes choix permet de mieux vivre

La paix avec soi rend possible les choses

La paix que je ressentais quand je descendais à la rivière

 

 

 

 

« Elle a les yeux tristes et le sourire joyeux

Existence d’une vie avant l’entre deux

Pleine de ce qu’il y avait à vivre

Sans plus sans moins juste ce qu’il faut pour avancer »

Michel