Guy et le Lapic , une histoire d'amitié qui suit son cours...
le long du Lapic
Né en mars 1941 , aujourd’hui âgé de 82 ans , me reviennent des images qui pourraient se situer tout à la fin des années 40 et tout au début des années 50 (entre 1949 et 1953) . Enfant , j’avais tendance à suivre mon grand frère et ses copains pour la plupart âgés de 3 à 4 ans de plus que moi
Nous habitions tous dans le bourg de Plonévez-Porzay et nous nous retrouvions souvent dans le bois de Menez ar Vorc’h (la montagne du bourg) tout proche et , bien sûr , sur les rives du Lapic en bas du bois.
Pour accéder à ce site , théâtre de nos « aventures » , nous avions plusieurs itinéraires :
- celui au bas du lavoir St Michel , au niveau du pont de Bécherel où , chaque année , stationnait pour plusieurs semaines un alambic ambulant tracté par un cheval et plus tard par un tracteur ; le bouilleur de crû du secteur distillait les cidres des particuliers bénéficiaire du « droit » qui se transmettait pour en faire du lambic , une eau-de-vie très prisée à l’époque. La proximité du Lapic et du bois offrait eau et bois nécessaires au travail du « paotr lambic ». De là , nous longions le Lapic par la prairie marécageuse où nos chaussures pouvaient s’enfoncer avant d’arriver au bois. Souvenir marquant de ce point de départ : une véritable « expédition » avec Antoine Bodénès , un vicaire de la paroisse qui nous avait fait suivre le cours de la rivière du pont de Bécherel à l’anse de Tréfeuntec et tout cela pour amener les enfants désœuvrés du bourg passer la journée à la plage de Ste Anne la Palud. C’est ainsi que nous avions remonté la rivière de moulin en moulin..Meil Quistinic , Meil Moellien , Meil Lesvren , Meil Keryar , Meil Trefeuntec jusqu’à la mer. Antoine nous autorisait même parfois à marcher dans le lit de la rivière…
- Autre voie , la cour de la ferme de Vorc’h Izella (bas du bourg) dont le fils Jean était un copain et de là un sentier (au bas de la résidence ar Menez actuelle), nous conduisait en haut du bois avant de dévaler le sous-bois pour rejoindre le Lapic.
- Troisième accès : le chemin près de la croix de la Mission, derrière la menuiserie Gars (aujourd’hui « Cave du Porzay ») qu’empruntait pour mener ses quelques vaches au pré, Tin Marchadour , après avoir traversé le bourg avec son petit cheptel. Cette étroite garenne empruntée parfois par les maquisards pour rejoindre Meil Quistinic où ils se retrouvaient (lire « Clandestins de l’Iroise » 1940-1944 tome 5 de René Pichavant édition morgane, récit intitulé « Drôle de sourire… » p.563 à 569) débouchait dans la lande qui recouvrait alors les résidences Ar Menez et Tro ar Hoat. Jouer dans la lande à « cache-cache » ou à « gendarmes et voleurs » nous occupait à l’occasion avant de poursuivre jusqu’au bois.
- Enfin , il nous arrivait aussi (d’autant que, de la bande de copains, nous étions plusieurs à habiter route de Douarnenez), de rejoindre le bois jusqu’au Lapic par un sentier qui partait de la route de Douarnenez (aujourd’hui propriété Quinquis) et longeait un champ de Cosquinquis pour atteindre la lisière du bois et de là nous descendions au Lapic ou bien nous entrions plus profondément dans le bois jusqu’à ce que nous appelions la « carrière » qui vue d’en haut de la résidence Ar Menez à la jonction avec la résidence Tro ar Hoat ressemble plus à un gouffre. Là, c’était l’après-guerre, nous jouions au « petit soldat » et certains apportaient même des « vestiges guerriers » trouvés ci et là : casques …pour s’arrêter aux présumés plus inoffensifs.
C’est étonnant mais dans notre petite bande , il n’y avait pas de pêcheurs et la faune aquatique du Lapic n’a pas eu à souffrir de harcèlement de notre part ; nous nous contentions de construire ici ou là quelques barrages éphémères ou de lancer au gré du courant quelques fragiles embarcations creusées dans l’écorce des arbres du bois voisin.
Autre évocation en lien avec le Lapic et ses abords : la cueillette de roseaux dans les zones humides tout près de la rivière avec nos maîtres les frères de St Gabriel de l’école St Milliau et ce sur le temps scolaire, ce qui n’était pas pour nous déplaire …Ces roseaux allaient orner les rues du bourg à l’occasion de la procession de la Fête Dieu (dimanche de la mi-juin).
Pour conclure , je rappellerai qu’en juillet-août 2013 , avec la Bibliothèque municipale de Plonévez-Porzay nous avions organisé une exposition sur le thème de l’eau (triple exposition : Eaux !!! prêt de la Bibliothèque du Finistère ; les lavoirs et moulins ; Baie de Douarnenez , une baie en Iroise , prêt du Parc Naturel Marin d’Iroise) et dans la présentation , nous précisions : « L’EAU est au centre de ces trois expositions qui ne manqueront pas d’intéresser estivant(e)s et gens du pays et des environs. L’occasion de découvrir et de mieux connaître un pays et un patrimoine avant ou après être allés sur le terrain). J’avais rencontré des gens qui de près ou de jamais très loin avaient fréquenté le Lapic soit comme lieu de lessive, du côté de Veroury, la métairie de Moellien soit comme itinéraire sur le chemin de l’école quotidien pour un enfant qui descendait de chez lui jusqu’à la rivière qu’il traversait sur les pierres du Lapic…(quelques archives personnelles…). Du côté de Trefeuntec , là où le Lapic entre dans l’Océan des lavandières recouraient également à la rivière (voir l’ouvrage de Patrice Trétout : « Tréfeuntec passionnément » p. 86-7 et autres) .
Aujourd’hui , il m’arrive encore de descendre jusqu’au Lapic tel un promeneur solitaire qui à chaque fois se remémore Arthur Rimbaud et « …le trou de verdure où chante une rivière… »…Malgré les maux dont il peut parfois souffrir aujourd’hui , longue et belle vie au Lapic. Prenons-en soin !
Guy Le Grand , le 27 juin 2023
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