Atlas des rivières
de Bretagne Le Lapic
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L'avenir s'écrit ensemble
Lapic

Nos anciens depuis des générations entretiennent notre patrimoine. La vision des habitants en est un reflet.

Dans un dynamisme de modernisation, n’avons-nous pas oubliés son histoire et ses particularités ? Quelles conséquences sur la nature en termes de respect ?

N’oublions pas

 

Juste avant j’étais au yoga, c’est pour cela que je suis en retard. J’ai fait des exercices de respiration : inspiration, expiration.

Je me penche sur les mots qui me sont donnés. Je les retourne dans ma tête. Je me lance.

Les habitudes sont un rituel de routines qui peuvent se figer en coutumes, et de là ?

Je décris ce que je vois sur les plages qu’il y a des algues vertes. Je regarde et je reste.

J’ai appris à l’école à écrire en dedans, à regarder en dehors, à noter entre les deux.

Je peux raconter par commodité ou par définition.

Si je ne fais que de vouloir préserver la plage, je fige le conflit, je le maintiens dans le temps.

Alors que si j’expose le problème en public, je peux proposer à tous et à toutes d’agir sur lui. Une action radicale et nécessaire pour la subsistance. Mais alors je ne transforme pas. Il faut repenser, refaire, réécrire.

Ça me fait penser que je voudrais exposer les habitudes et transmettre un désir de radicalité pour l’action dans un spectacle à co-construire. Un travail que je voudrais faire sur Le Lapic, sur les rivières de Bretagne.

 

Le cours d’eau est un lieu d’habitudes, certains s’y promènent, d’autres pêchent, et quelques-uns aiment s’y laver.

Ecouter le bruit de son eau procure une forme d’apaisement et une envie de respirer à pleins poumons.

J’aime observer les poissons qui viennent au bord de la rive du cours d’eau, et au loin, le héron qui les guettent.

Le Lapic, où prend-il sa source ? comment chemine-t-il ? Qui peut m’expliquer d’où il vient, où il va ?

Apprendre au fil de l’eau les histoires locales que racontent les habitants permettent de découvrir les nombreux usages liés à l’eau.

Ces dernières décennies, la pollution des eaux superficielles et souterraines par les nitrates a dégradé sa qualité.

La préservation de la qualité de l’eau est importante pour garder en bonne santé ce bien commun.

Ensemble, prenons les décisions qui permettront de protéger et de partager cette ressource indispensable à la vie de tous.

Lapic, pic et pic et colégram Bour et bour et ratatam…

 

Je nais, je coule, à quoi je sers ? Je réfléchis, je prends en compte pour être en accord avec soi. Mes racines, d’où je viens, que vais-je laisser derrière moi ? Un endroit de nature, un bien pour la vie. Un moment de cette vie dans l’instant. Je cherche à comprendre pour résoudre/répondre à mes questions.

Je goûte et me désaltère au quotidien. J’écoute, pour me rendre disponible et proche. Je constate que le bien-être de la nature donne la vie.

Arrêtons-nous un instant, réfléchissons. Suis-je en accord avec ce que je constate ? A cet instant, je peux répondre oui avec lucidité.

 

Aujourd’hui, je profite du moment présent ici et maintenant. D’abord, je le porte et le caresse doucement. Je protège cet instant présent. Mon essentiel repose sur un équilibre de bonheur, d’amour mais surtout de paix. Le vent souffle sur la côte, je me balade puis me pose, ma créativité se développe sur un air de liberté. Je m’allonge dans une clairière où règne le calme, reposant, la tranquillité et la sérénité m’envahissent. Quelle beauté ! l’élégance des couleurs de l’automne s’accordent avec charme. L’eau s’écoule doucement, l’air l’accompagne et la biodiversité chante, laissant le vivant s’exprimer pleinement. Un habitant du village me reconnecte au monde, le jeudi jour de marché, les gens font la queue, les paysans au coin vendent leurs légumes.

Le futur me semble incertain, que m’arrivera-t-il simplement demain ?

L’eau est une richesse à préserver, la clé est dans le partage et l’échange. Je marche le long du cours d’eau. Aujourd’hui je profite de l’ici et maintenant.

 

 

La résilience, une forme d’acceptation et de tolérance à user avec parcimonie.

La vie c’est cheminer, parcourir, avancer, progresser, S’émanciper pour grandir, s’élever. Respirer l’air, poumon de la vie. Déconstruire pour co_construire et mieux construire. Tissage de liens comme des ponts pour l’amitié. Respecter la diversité de l’humanité pour la paix.

La paix, rare, une quête et un choix. : l’amour de la fraternité et de la sororité pour nous rendre amoureux. Je, tu, il, elle, tous ensemble avec nous.

Au-delà de la vue et des lignes, le paysage comme le milieu. Le mouvement du vent, doux de la vie. Note, écriture d’une partition en musique. Devant moi, Le Lapic.

 

Les racines viennent de nos ancêtres et continuent de grandir avec la famille et les enfants.

Il nous faut préserver la biodiversité, les animaux et l’agriculture sans courir après le temps.

Il nous faut rendre l’eau accessible pour tous. L’eau un besoin essentiel pour toutes vies sur terres.

Il nous faut garder la lucidité, la clairvoyance afin de protéger la ressource.

Nous devons tous ensemble faire de notre mieux pour préserver et partager l’eau.

 

Le devenir s’invente, se réfléchit en interactions. Que souhaitent les humains pour le Lapic : des cheminements ? va-t-il se refermer ?

Faut-il comprendre le vivant, les humains et non humains ?

L’habitant est-il celui du village ou celui du Lapic ?

De quelle capitale parle-t-on : économique ? Sociale ? Culturelle ?

Être l’exemple pour qui ? pour quoi ?

Les menaces oscillent-elles entre anthropisation et déprise ?

Le territoire est une construction de l’espace, permet-il l’expression de la liberté ?

La beauté se trouve-t-elle dans l’exploration de la nature, de regarder les petites bêtes dans l’eau, de prendre une photo aérienne du cours d’eau ?

L’avenir s’écrit ensemble, comment peut-il être vertueux sans les enfants ?

 

Les relations entre les êtres humains et les natures construisent l’environnement.

Autour du Lapic,

Autour de l’eau, les gens se regroupent, réfléchissent ensemble aux futurs, cherchent la liberté de s’exprimer et de marcher…  cherchent à comment éviter les incompréhensions et les pollutions.

Ils discutent des pratiques individuelles et collectives, passées, présentes et futures, mais surtout changeantes. Ils réfléchissent au présent, ils essaient…

Le Lapic a inspiré le calme lors de la traversée 1 au bois du bourg. L’eau apporte la sérénité.

Ils ont été ancrés dans le lieu, approfondissant la découverte.

Ils ont pris soin : soin des autres, de leur environnement, de soi.

Ils ont dit : L’essentiel c’est l’eau, c’est la vie.

L’avenir s’écrit ensemble, comment pourrait-il en être autrement ?

 

 

La grand-mère regardait le grand-père, son mari, avec une grande tendresse ; ses yeux témoignaient de toute l’affection qu’ils avaient partagée leur vie durant autour du Lapic, dans leur maison où ils avaient vécu, dans ces lieux empreints de leurs désirs charnels et de leur amour.

D’abord elles (ils) s’étaient rassemblées, avaient essayé de se comprendre, appris à se respecter, puis elles (ils) s’étaient associées pour construire la plus belle des entreprises.

Elle, faisait partie de ces femmes qui chantaient en lavant le linge au lavoir, une tâche collective qu’elles accomplissaient en musique, en chanson, toujours selon la même partition.

Le dimanche elle allait marcher sur la dune, respirait l’air pur que dégageait l’océan : elle ressentait la vie qui émanait des éléments.

Lui, il avait grandi à la campagne. Il aimait regarder les fleurs pousser dans le jardin, des fruits mûrir dans le verger, il se rappelait comment son père qui autrefois cultivait la terre, avant prospéré.

La rivière était le lien entre elles (eux) mais aussi entre les deux communes, elle était le ciment/l’eau courant qui liait les habitants, le fil qui les retenait sur le territoire qui faisait grandir l’esprit de fraternité.

Le fleuve/elle jouait de ses courbes comme si son eau dansait hors de son lit, d’une mobilité fougueuse, dangereuse, effroyable.

Elle et Lui, marchaient sur la route qui remontait du vallon et qui offrait une vue unique sur le bocage, dévoilant l’horizon, la mer.

Elles (ils) avaient choisi de dépolluer la rivière pour faire œuvre de résilience, laisser aux enfants, aux générations futures, une terre prospère, nourricière, fertile, un acte comme une forme de pardon.

Elle et Lui, cherchaient l’unité, à faire la paix, avancer ensemble vers l’autre, le reconnaitre, toujours, et s’aimer.

Guy et le Lapic , une histoire d’amitié qui suit son cours…

Je vous ai adressé un témoignage de mon fils Patrick à propos du Lapic ; en ce qui me concerne , je me permets d’évoquer quelques souvenirs entre enfance et adolescence toujours au sujet de cette rivière qui nous est chère .                                                                                                                                                            

Né en mars 1941 , aujourd’hui âgé de 82 ans , me reviennent des images qui pourraient se situer tout à la fin des années 40 et tout au début des années 50 (entre 1949 et 1953) . Enfant , j’avais tendance à suivre mon grand frère et ses copains pour la plupart âgés de 3 à 4 ans de plus que moi Nous habitions tous dans le bourg de Plonévez-Porzay et nous nous retrouvions souvent dans le bois de Menez ar Vorc’h (la montagne du bourg) tout proche et , bien sûr , sur les rives du Lapic en bas du bois  .                                                                                                                                                                                       

Pour accéder à ce site , théâtre de nos « aventures » , nous avions plusieurs itinéraires :         

Celui  au bas du lavoir St Michel , au niveau du pont de Bécherel où , chaque année , stationnait pour plusieurs semaines un alambic ambulant tracté par un cheval et plus tard par un tracteur ; le bouilleur de crû du secteur distillait les cidres des particuliers bénéficiaire du « droit » qui se transmettait pour en faire du lambic , une eau-de-vie très prisée à l’époque . La proximité du Lapic et du bois offrait eau et bois nécessaires au travail du « paotr lambic » . De là , nous longions le Lapic par la prairie marécageuse où nos chaussures pouvaient s’enfoncer avant d’arriver au bois . Souvenir marquant de ce point de départ : une véritable « expédition » avec Antoine Bodénès , un vicaire de la paroisse qui nous avait fait suivre le cours de la rivière du pont de Bécherel à l’anse de Tréfeuntec et tout cela pour amener les enfants désoeuvrés du bourg passer la journée à la plage de Ste Anne la Palud . C’est ainsi que nous avions remonté la rivière de moulin en moulin.. Meil Quistinic , Meil Moellien , Meil Lesvren , Meil Keryar , Meil Trefeuntec jusqu’à la mer . Antoine nous autorisait même parfois à marcher dans le lit de la rivière…                                                                                               

Autre voie , la cour de la ferme de Vorc’h Izella (bas du bourg) dont le fils Jean était un copain et de là un sentier (au bas de la résidence ar Menez actuelle) , nous conduisait en haut du bois avant de dévaler le sous-bois pour rejoindre le Lapic .                                                                                                            

Troisième accès : le chemin près de la croix de la Mission , derrière la menuiserie Gars (aujourd’hui « Cave du Porzay ») qu’empruntait pour mener ses quelques vaches au pré , Tin Marchadour , après avoir traversé le bourg avec son petit cheptel . Cette étroite garenne empruntée parfois par les maquisards pour rejoindre Meil Quistinic où ils se retrouvaient (lire « Clandestins de l’Iroise » 1940-1944 tome 5 de René Pichavant édition morgane , récit intitulé « Drôle de sourire… » p.563 à 569) débouchait dans la lande qui recouvrait alors les résidences Ar Menez et Tro ar Hoat  . Jouer dans la lande à « cache-cache » ou à « gendames et voleurs » nous occupait à l’occasion avant de poursuivre jusqu’au bois .                                                                                                                                                           

Enfin , il nous arrivait aussi (d’autant que , de la bande de copains , nous étions plusieurs à habiter route de Douarnenez) , de rejoindre le bois jusqu’au Lapic par un sentier qui partait de la route de Douarnenez (aujourd’hui propriété Quinquis) et longeait un champ de Cosquinquis pour atteindre la lisière du bois et de là nous descendions au Lapic ou bien nous entrions plus profondément dans le bois jusqu’à ce que nous appelions la « carrière » qui vue d’en haut de la résidence Ar Menez à la jonction avec la résidence Tro ar Hoat ressemble plus à un gouffre . Là , c’était l’après-guerre , nous jouions au « petit soldat » et certains apportaient même des « vestiges guerriers » trouvés ci et là : casques …pour s’arrêter aux présumés plus inoffensifs .                                                                                                                                            

C’est étonnant mais dans notre petite bande , il n’y avait pas de pêcheurs et la faune aquatique du Lapic n’a pas eu à souffrir de harcèlement de notre part ; nous nous contentions de construire ici ou là  quelques barrages éphémères ou de lancer au gré du courant quelques fragiles embarcations creusées dans l’écorce des arbres du bois voisin .                                                                                                                                    

Autre évocation en lien avec le Lapic et ses abords : la cueillette de roseaux dans les zones humides tout près de la rivière avec nos maîtres les frères de St Gabriel de l’école St Milliau et ce sur le temps scolaire , ce qui n’était pas pour nous déplaire …Ces roseaux allaient orner les rues du bourg à l’occasion de la procession de la Fête Dieu (dimanche de la mi-juin) .                                                                       

Pour conclure , je rappellerai qu’en juillet-août 2013 , avec la Bibliothèque municipale de Plonévez-Porzay nous avions organisé une exposition sur le thème de l’eau (triple exposition : Eaux !!! prêt de la Bibliothèque du Finistère ; les lavoirs et moulins ; Baie de Douarnenez , une baie en Iroise , prêt du Parc Naturel Marin d’Iroise) et dans la présentation , nous précisions : « L’EAU est au centre de ces trois expositions qui ne manqueront pas d’intéresser estivant(e)s et gens du pays et des environs . L’occasion de découvrir et de mieux connaître un pays et un patrimoine avant ou après être allés sur le terrain .) . J’avais rencontré des gens qui de près ou de jamais très loin avaient fréquenté le Lapic soit comme lieu de lessive , du côté de Veroury , la métairie de Moellien soit comme itinéraire sur le chemin de l’école quotidien pour un enfant qui descendait de chez lui jusqu’à la rivière qu’il traversait sur les pierres du Lapic…(quelques archives personnelles…) . Du côté de Trefeuntec , là où le Lapic entre dans l’Océan des lavandières recouraient également à la rivière ( voir l’ouvrage de Patrice Trétout : « Tréfeuntec passionnément » p. 86-7 et autres) .

Aujourd’hui , il m’arrive encore de descendre jusqu’au Lapic tel un promeneur solitaire qui à chaque fois se remémore Arthur Rimbaud et « …le trou de verdure où chante une rivière… »…Malgré les maux dont il peut parfois souffrir aujourd’hui , longue et belle vie au Lapic . Prenons-en soin !

Guy Le Grand , le 27 juin 2023