Parcours 6 - Lui
Lapic
Lui
Je l’ai rencontré dans les bas-fonds
Un bâton à la main
Il observait tout autour de lui et me regardait
Il parlait à voix basse
Je l’entends dire
Un cours d’eau c’est du boulot
Il faut l’entretenir
Nous on regarde la nature et on voit les changements
Le ruisseau
Il arrive un peu plus bas dans le bois de pin
Il vient de la montagne de Locronan
Il démarre dans le granit
Une vingtaine de petits ruisseaux se jettent dans mon cours d’eau
Autour
Il y a de nombreuses prairies
Ce sont toutes des propriétés privées
Quand tu n’es plus chez toi tu es chez quelqu’un d’autre
Lui
Fait partie d’un club de randonnée
Ils marchent le long des talus
Ils ne traversent pas les champs de blé
Ils ne traversent pas les fermes
Ils respectent le lieu
Avant il n’y avait pas de routes
Les gens passaient de champ à champ
Ils longeaient la prairie
Toute une histoire à faire revivre
Si on n’en parle pas on passe à côté
L’eau
Ils allaient la chercher à la fontaine
Il n’y avait pas de machines à laver
Ils la prenaient à la pompe quand elle était gelée
Je l’entends dire
Maintenant il suffit d’ouvrir le robinet
L’eau n’a plus la même valeur
Elle est devenue une habitude
Avant
Ils déviaient
Ils canalisaient
Ils récupéraient l’engrais dans l’eau
Je l’entends dire
Sans le ruisseau
Il n’y aurait pas eu toute cette vie
Il est un lieu de rassemblement
Recirculer dans les bas-fonds le replonge dans son enfance
Lui donne cet attachement à cette terre à ce cours d’eau
Des lieux qui pour un gamin sont importants
L’aventure était là
Ils ne descendaient jamais jusqu’à la mer
Il n’était ni pêcheur ni chasseur mais observateur
Je l’entends dire
À six kilomètres on n’allait pas à la plage
Pas le temps
Pas l’envie
Pas le mode de vie
Je ne suis pas mer
Pas marin
Je suis eau douce
Agriculteur
Il ne comprenait pas plein de choses
Et lorsqu’il se penchait vers moi
Il m’avouait
Les poissons n’ont pas internet
Ils ne savent plus où aller
Chaque génération croit bien faire et chaque nouvelle défait
Je l’entends dire
Qu’avons-nous fait
Avant
Les gens faisaient ce qu’ils avaient envie
Personne ne les empêchait
Les garçons avaient le droit d’utiliser le couteau qui taillait les arbres
Ils avaient une plus grande liberté
Nous étions jeunes
Constate-t-il
Certes il y avait beaucoup de coins où la misère s’installait
Mais par-dessus tout il y avait la liberté
Il y avait des étangs un peu partout pour nourrir les gens
Ceux-là mêmes vidaient remettaient du fumier pour réactiver l’étang
Des vers pour que le poisson vienne
Il y avait des ruisseaux et mon cours d’eau qui allaient à la mer
Des hommes et des femmes qui l’habitaient
Qui avaient conscience qu’un cours d’eau c’était la vie
Convaincu qu’il était possible de vivre ensemble
Aujourd’hui je suis une partie de leur vie
Un contact permanent avec les animaux et les prairies
Un cours d’eau qui va encore à la mer
Et qui leur demande chaque jour d’apprendre à le respecter
Je l’entends dire
Pour apprendre
Il faut observer
Pour connaitre
Il faut passer du temps
Leur petite fille avait peur au début
Ils l’avaient encouragée accompagnée
Ils lui avaient rendu possible de goûter à cette liberté
Et de la partager avec leurs sourires
Je l’entends dire
Vivre ailleurs serait un peu comme vivre en prison
On n’est vraiment pas pressés de partir d’ici
Depuis la retraite
Leur environnement
Ils l’apprécient encore plus
Ils le regardent encore plus
Ils le vivent chaque seconde
Ils ont la santé
Le cadre l’environnement
Et la résilience
Il ne faut pas rester sans bouger sans vivre sans venir me voir
Je l’entends dire
Nous sommes dans le paysage
Nous faisons partie de l’environnement
Je peux vous l’assurer
Qu’est-ce qu’il est beau notre lieu
Pas de bruits
Les oiseaux
Le vent
Le chêne sur le talus
Un pommier en fleurs qui le squatte
Un circuit de promenade
La végétation qui a beaucoup poussé
Et moi qui coule paisible traversant les épreuves du temps
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